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Il y a de bonnes chances pour que ce ne soit pas encore la fin. J’ai le crâne rasé, les oreilles propres et les narines dégagées. Reste d’abord à voir si je serai vraiment sous anesthésie dans 48 heures. (Avec ma chance, tout pourrait être remis à plus tard.)

Si je le suis (endormi), alors il faut espérer que, quand je me réveillerai, quelques heures plus tard (à supposer que je me réveille), je serai seulement légèrement plus léger. Et que ce dont j’aurai été allégé n’aura pas laissé de trace. Ni le chirurgien d’ailleurs.

Il a mon âge. J’ai donc de bonnes raisons de croire que ses mains ne trembleront pas. Mais j’ai aussi un sens relativement aigu de l’erreur statistique.

Cela dit, si le scalpel pouvait aussi, « accidentellement », détacher quelques-uns de ces neurones qui m’appesantissent l’humeur depuis l’adolescence, je n’aurais rien contre. Mais il ne faut pas rêver. Si je me retrouve exactement comme avant, je m’estimerai déjà heureux, très heureux. Je serai en tout cas très soulagé.

Sinon, si le pire est envisagé, je ne veux rien. Pas plus de souvenirs que ce dont tu auras besoin. Pas de souhait à exaucer. De quel droit chercherais-je à influencer un monde que j’aurais abandonné ? Tout va s’entredétruire à plus ou moins long terme. Rien de ce que je pourrais dire ou faire ou faire dire ou faire faire en mon nom n’aurait le moindre impact. Massacrez-vous, écorchez tout, bâfrez toutes les réserves, en faisant plein de bruit de préférence — qu’est-ce que j’en ai à faire ?

Il n’y a de toute façon pas d’avenir pour mon espèce. J’aurais bien aimé survivre quelques décennies encore (avec toi), au cas où. Mais c’est tout.

Remets-toi, oublie tout, recommence. C’est la seule solution — si on en est vraiment là.

Catégorie : Chronologie.

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