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Exactement comme avant ? Pas exactement… Oui, physiquement, tout s’est passé comme prévu, le chirurgien a bien fait son travail, les infirmières (et l’infirmier) aussi, je n’ai pas eu le temps de devenir accro à la morphine, j’ai petit à petit repris (dans l’ordre, mais progressivement) l’alimentation, la lecture, la marche, l’informatique, la télévision, la musique, le jeu, la défécation (avec un peu d’aide), le sexe, la conduite, l’alcool, le tennis, le travail à temps partiel, la natation, le travail à temps plein (et plus), le foot et puis tout le reste.

Mais — il y a un mais. Il y a un diagnostic. Il y a un pronostic. Il y a la première vérification à attendre, dans un peu plus d’un mois. Il y a encore des maux inhabituels, plus ou moins inquiétants, selon les jours, selon l’humeur. Pas de panique. Pas d’angoisse. Mais une certaine inquiétude, sourde, inévitable. Il y a des décisions à prendre, à l’aveugle, sans savoir vraiment. Combien de temps ? Combien d’espace ? Combien de place pour vivre encore ? Mon monde s’est un peu rétréci, un peu atrophié. Il y a des bêtises que je ne pourrai plus faire.

Oui, j’ai eu une T. Elle n’est plus là, mais elle est peut-être encore là. Je le saurai peut-être dans quelques mois, dans quelques années ou dans quelques décennies. C’est un peu la loterie, sauf que je n’ai pas choisi de jouer. Et qu’il n’y a rien que je puisse faire pour changer la donne. Il y a un destin inscrit quelque part dans mes molécules, une machine qui tourne à sa façon et que j’alimente parce que je n’ai pas le choix.

Il y a bien sûr toujours toutes sortes de hasards extérieurs, mais celui-ci, je le porte en moi, comme une bombe à retardement sur laquelle travaillent sans l’avoir vue des démineurs professionnels dont on ne peut qu’espérer que, une fois que l’échéance commencera à nouveau à se rapprocher (si cela arrive), ils auront trouvé quelque chose de mieux que la seule chose qu’on puisse me proposer à l’heure actuelle, c’est-à-dire rien. Pas d’explication. Pas de procédure. S’il y a lieu — et seulement s’il y a lieu — des tâtonnements, qui risquent de faire bien mal. Mais heureusement on n’en est pas là. Pour le moment.

Combien de temps ? Assez pour pouvoir oublier, au moins de temps en temps ? Assez pour se faire tuer par autre chose ? Assez pour profiter de la vie ? (Beurk.) Je n’ai jamais su (ne pas remettre l’essentiel à plus tard). Je ne sais toujours pas. Alors oui, de ce point de vue, exactement comme avant.

Catégorie : Chronologie.

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